Rolls-Royce Merlin
La lignée des Rolls-Royce Merlin est une famille de moteurs d'aviation, mis au point lors des années 1930 par la firme britannique pour combler un manque dans sa gamme entre les Rolls-Royce Kestrel de vingt deux litres de cylindrée et les fameux Rolls-Royce R de 36 litres qui équipaient les hydravions de course de la firme Supermarine.
Grâce à une puissance massique importante, ils furent considérés comme parmi les meilleurs moteurs de la Seconde Guerre mondiale, affichant une puissance de 790 chevaux (Version A) a 1635 chevaux (Version 85). Ils furent produits à 168 040 exemplaires, dont 55 873 par Packard aux USA. Le nom de ce moteur ne vient pas du légendaire magicien du roi Arthur, mais du nom du faucon émerillon en anglais.
Naissance
Le développement fut entrepris sous la forme d'une initiative privée sur fond propres d'Henry Royce, en 1932, sous le nom de PV-12 (PV pour private venture). En octobre 1933, l'Air Ministry accepte de financer le développement et donne le nom de Merlin au moteur. Une première version apparaît en juillet 1934 : le Merlin A, capable de fournir 790 chevaux à 2700 tours par minutes.
Mais le moteur souffre de nombreux problèmes, principalement au niveau des engrenages du réducteur et des chemises de liquide du système de refroidissement par évaporation.
Le Merlin B qui suit est pourvu de quatre soupapes par tête de cylindre montées à 45° comme sur les moteurs d'automobile de la marque.
Essayé en février 1935, ce moteur fournit une puissance de 950 chevaux.
Le Merlin C, voit la fabrication changée par le coulage en trois parties du carter et des deux blocs de cylindres, les soupapes sont toujours à 45°.
La version E (qui dérive du C) est assez fiable pour passer le test des cinquante heures, fournissant 955 chevaux avec des pointes à 1045.
Le F est en préparation quand est proposé le Merlin G, qui présente des soupapes verticales parallèle aux cylindres. Ce moteur se révèle meilleur et passe le test un mois avant le modèle F. La production de série est lancée, le Merlin F devient Merlin I, mais la production est rapidement arrêtée après 172 exemplaires, le modèle G (Merlin II) étant produit en grandes quantités. Le moteur est essayé pour la première fois en vol en 1935 sur un Hawker Hart.
Le liquide de refroidissement retenu est l'éthylène glycol produit par la société Prestone aux États Unis. Suite à la demande de l'Air Ministry en 1936 de fournir des chasseurs modernes pour la RAF, les deux seuls avions à l'étude capables de satisfaire les demandes sont le Hawker Hurricane et le Supermarine Spitfire. Tous les deux utilisant le Merlin, ce moteur devient essentiel à l'effort de guerre britannique.
Les premières séries de moteurs souffrant d'une fiabilité douteuse, Rolls-Royce lance alors un superbe programme de contrôle de la qualité qui allait faire la renommée de ses moteurs. Certains moteurs étaient prélevés à la sortie des chaînes de montage et on les faisait tourner sur un banc, à pleine puissance jusqu'à la panne. I
ls étaient alors démontés pour trouver la pièce qui avait cédé, la pièce était alors retravaillée pour être rendue plus résistante. Après deux ans de cette procédure, les Merlins étaient devenus des moteurs extrêmement fiables capable de tourner pendant huit heures à plein régime, sans aucun problème.
Le Merlin est un V-12 essence, ses deux rangs de cylindres sont à 60°; l'allumage se fait selon la séquence : 1A, 6B, 4A, 3B, 2A, 5B, 6A, 1B, 3A, 4B, 5A, 2B (le cylindre 1A étant le plus éloigné à droite par rapport au pilote).
Chaque cylindre est pourvu de deux soupapes d'admission et de deux d'échappement, ces dernières sont refroidies au sodium, et actionnées par un arbre à cames en tête. L'alimentation du moteur est réalisée par un carburateur doté d'un contrôle automatique de la richesse.
L'air est fourni par un compresseur à deux étages à deux vitesses, le flux d'air étant refroidi entre les deux étages par un échangeur de chaleur. Le liquide de refroidissement est un mélange de 70% d'eau et 30% d'éthylène glycol pressurisé. La lubrification est assurée par un circuit d'huile qui comporte une pompe de pression et deux pompes de vidange.
Caracteristique du Rolls-Royce Merlin:
Masse à sec : 745 kg
Course : 152,4 mm
Alésage : 137,2 mm
Cylindrée : 27 litres
Taux de compression : 6:1
Puissance spécifique : 43,3 kW par litre
Rapport puissance/masse : 1,57 kW par kg
Puissance :
1565 chevaux (1 170 kW) à 3000 tours par minute à 3740 mètres d'altitude.
1390 chevaux (1 035 kW) à 3000 tours par minute à 7170 mètres d'altitude.
Évolution
L'augmentation de la puissance du moteur se fit de deux façons, en utilisant des carburants à indice d'octane de plus en plus élevé et en perfectionnant le compresseur. Ces modifications permettaient d'augmenter la pression d'admission dans les cylindres et donc au final la puissance du moteur, sans augmenter la cylindrée.
Cette possibilité existait grâce, entre autre, à la puissante industrie pétrolière américaine, capable de fournir en quantité ces nouveaux carburants onéreux, au contraire les Allemands qui, n'ayant pas cette possibilité, furent obligés d'augmenter la taille de leurs moteurs qui se révélaient donc moins intéressants en termes de ratio puissance/masse.
La première grande évolution apparaît avec le Merlin X qui utilise un compresseur à deux vitesses, dont la licence a été acquise auprès de Farman en 1935, cette innovation permet de diminuer la puissance absorbée par le compresseur mécanique à basse altitude, lorsqu'il n'y pas besoin de suralimentation; par contre la longueur du moteur augmente.
En 1939, la décision de se focaliser sur des carburants à indice d'octane 100 est prise, la pression d'admission limitée auparavant à 3 kg/cm2 est portée à 6.
La phase suivante est l'œuvre de Stanley Hooker, qui améliore grandement l'efficacité du compresseur, grâce à un travail aérodynamique sur le flux d'air interne à celui-ci. Le carburateur est déplacé pour éviter d'avoir encore à augmenter la longueur du groupe.
Ces modifications donnent naissance au Merlin XX qui est plus puissant en altitude, il fournit en effet 1175 chevaux à plus de 6000 mètres contre 1060 à 4500 pour le Merlin II.
Certaines variantes du moteur, cependant, sont optimisées pour la basse altitude, avec des pales d'hélice de compresseur raccourcies.
Un de ces nouveaux Merlins est le Merlin 45 qui équipe le Spitfire MkV. Hooker décide aussi de passer au compresseur à deux étages : pour les bombardiers, il monte un compresseur de Rolls Royce Vulture en amont du compresseur normal du Merlin 46, donnant naissance au Merlin 60.
Cependant, l'élévation de température et de pression du mélange nécessite maintenant de le refroidir avant de le faire rentrer dans les cylindres, où il pourrait détonner prématurément. Le nouveau moteur peut alors fournir sa puissance maximale à près de 10000 mètres.
Les Merlin XX ont aussi équipé les Avro Lancaster bombardiers quadrimoteurs Avro Lancaster.
Avantages et inconvénient de l'alimentation par carburateur
Le maintien d'une alimentation par carburateur a été un défaut souvent reproché au Merlin, celui-ci pouvant amener le moteur à caler lors d'une manœuvre brusque en G négatifs, comme par exemple lorsqu'on pousse sur le manche à balai de l'avion.
Les pilotes de Messerschmitt Bf 109 utilisèrent ainsi souvent l'avantage que leur procurait l'injection directe pour semer un Supermarine Spitfire à leurs trousses. Il convient cependant de remarquer que l'usage d'un carburateur n'était pas sans avantage loin s'en faut. Le système d'alimentation est en effet beaucoup plus simple à produire et à maintenir, et plus fiable, du fait de l'absence des pompes de cylindre. De plus, les systèmes avec carburateur permettent de produire un mélange plus riche que les systèmes à injection, donnant donc une puissance massique supérieure au moteur.
Ces avantages compensaient amplement l'inconvénient présenté par le désamorçage du moteur. De plus, en mars 1941, une petite modification du carburateur, imaginée par Miss Tilly Shilling à Farnborough, remédia grandement au problème, avec l'introduction d'une membrane percée dans les cuves qui autorisait enfin les manœuvres en G négatifs pendant de courtes périodes. En 1943, l'arrivée des carburateurs américains Bendix-Stromberg anti-G, qui furent montés sur les Merlin 66, résolu définitivement le problème.
Production américaine
Lors de la bataille d'Angleterre en 1940, le gouvernement britannique décida de fournir les plans du moteur aux américains dans l'éventualité de leur défaite. La société Packard Motor Company donna son accord en septembre, pour lancer la production du moteur à la fois pour les britanniques et les américains, en l'adaptant aux techniques de production de masse de l'industrie américaine. Les deux premiers exemplaires furent présentés le 2 août 1941 à l'usine de Detroit et la production de masse commença en 1942.
Usage dans les blindés
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Merlin fut adapté dans certains blindés sous le nom de "Meteor", notamment dans les char Cromwell et Comet et, à la toute fin de la guerre, dans le char Centurion. Par la suite, il équipa aussi le char sud-africain Olifant.
Usage automobile
Dans les années 1960, John Dodd, dans le Kent en Angleterre, monta le moteur dans un véhicule de sa conception appelé The Beast (la bête). Dépourvu de compresseur, il fournissait 850 chevaux (certains pensent qu'il s'agissait d'un Rolls Royce Meteor) et entraînait une transmission automatique TH-400 de General Motors sur un châssis en fibre de verre. Listé dans le livre Guinness des records, The Beast y est considéré comme le véhicule routier le plus puissant au monde.
Versions
Production de Rolls Royce
· Merlin A juillet 1934, 790 ch à 2500 tours/min et à 4000 mètres.
· Merlin B février 1935, 4 soupapes par cylindres, soupapes d'admission sur une rampe à 45° par rapport aux têtes de cylindre, 950 chevaux à 3700 mètres.
· Merlin C bloc de cylindres coulés séparément, équipe le Supermarine Type 300.
· Merlin E version amélioré du C.
· Merlin I ou Merlin F 172 exemplaires, soupapes d'admission sur une rampe à 45° par rapport aux têtes de cylindre.
· Merlin II ou Merlin G 1030 chevaux à 3000 tours/min et à 5500 mètres.
· Merlin III
· Merlin X compresseur à deux vitesses.
· Merlin XII emploi d'un mélange d'éthylène, glycol et eau sous pression, pour le refroidissement, utilisé sur le Spitfire Mk II.
· Merlin XX utilisation de carburant à indice d'octane 100 au lieu de 87, 1300 cv.
· Merlin 45 compresseur à un étage et une vitesse, équipe le Spitfire Mk V.
· Merlin 47 équipe le Spitfire HF VI
· Merlin 60 compresseur à deux étages, équipe le Spitfire Mk IX.
· Merlin 61 bloc de cylindres en deux parties.
· Merlin 63 équipe le Spitfire Mk VIII.
· Merlin 66 culasse coulée séparément et vissée sur le carter.
· Merlin 266 équipe le Spitfire Mk XVI.
· Meteor version destinée à équiper les blindés, compresseur supprimé et moindre emploi d'alliage légers.