L'Opération Châtiment (en allemand, Operation Strafgericht) désigne le bombardement de Belgrade par surprise et sans déclaration de guerre par les bombardiers de la Luftflotte (flotte aérienne) N°4 du général Alexander Lohr de la Luftwaffe le dimanche 6 avril 1941, pendant la Seconde guerre mondiale.
Le 27 mars 1941 éclatait à Belgrade une émeute anti-allemande qui aboutit à la déposition du régent, le prince Paul, dont le premier ministre venait de signer le pacte de Vienne faisant entrer le Royaume de Yougoslavie dans l'Axe Rome-Berlin-Tōkyō.
La réponse militaire allemande ne se fit pas attendre, le dimanche 6 avril 1941, sans aucun préavis, les bombardiers de la Luftflotte N°4 déclenchent une attaque surprise sur Belgrade (opération « Strafgericht » ou « Châtiment ») combiné à l'envahissement du pays.
Une première vague lâche ses bombes à partir de 7 h 00 du matin. Les canons antiaériens ainsi que les quelques chasseurs, yougoslaves, qui parviennent à prendre l'air sont rapidement réduits au silence. La clarté de l'atmosphère permet aux aviateurs allemands d'atteindre leurs objectifs de manière très précise (sièges des principales administrations, palais royal etc.).
De nombreuses bombes tombent en plein dans le centre ville ou se tient le marché hebdomadaire qui attire les populations paysannes des environs.
Les populations civiles sont donc les premières victimes de cette attaque inopinée. En plein cœur de la ville, une bombe atteint l'église de l'Assomption ainsi qu'un abri situé dans le voisinage immédiat et où toute une noce s'était réfugiée avec la mariée, le marié, le prêtre…, en tout deux cents personnes qui trouvent toutes la mort.
Des incendies se déclarent et sont attisés par le vent d'est qui se met à souffler. Le système d'adduction d'eau étant détruit, les pompiers ne parviennent pas à circonscrire les foyers d'incendie.
Jean Blairy dans son ouvrage « Crépuscule danubien » fait un tableau saisissant des destructions subies par la capitale yougoslave à la suite de la première vague de bombardements :
« Au bout d'un quart d'heure, la grande place Terazié, la Kralja Milana ulitza, la Knez Mihailova ulitza, artères principales de Belgrade n'étaient que des champs de mort. Les abords de la gare étaient réduits en poudre. Dans le Milocha Velikog, tous les ministères flambaient. Un peu partout des formes humaines gisaient sur la chaussée parsemée d'entonnoirs et où pendaient les fils des trolleys.
Des blessés se traînaient contre les murs. D'autres cherchaient dans les portes un illusoire abri pour mourir. Les tramways, saisis en pleine course, n'étaient plus que des carcasses déchiquetées sur lesquelles l'éternelle réclame d'un dentifrice se lisait encore, comme le témoignage d'une époque qui mourait seconde par seconde »...
Ce premier bombardement s'arrête à 9 h 30.
Aussitôt, les populations quittent les abris et refluent vers les faubourgs. Mais, pour comble de malheur, à 11 h 00 une seconde attaque, plus violente encore que la première, vise précisément ces faubourgs
« L'anarchie de la ville fut à son comble, écrit Vladimir Dedijer, les romanichels des faubourgs refluèrent vers le centre pour piller les magasins. Ils ressortaient chargés de fourrure, de victuailles, même d'instruments médicaux. Une bombe atteignit le jardin zoologique, les fauves se dispersèrent dans la ville.
Parmi les images d'horreur qu'offrit cette journée, les habitants de Belgrade se souviennent encore de cet ours polaire qui descendait vers la Save, grognant lamentablement. »
Les vagues se succèdent tout au long de l'après-midi du 7 avril puis les 8 et 9 avril.
Au cours de ces raids, des monuments importants sont irrémédiablement détruits. Une bombe incendiaire tombe sur le toit de la Bibliothèque Nationale et met le feu à tout le bâtiment. D'inestimables manuscrits médiévaux ainsi que des exemplaires uniques de publications rares indispensables pour l'étude de la littérature serbe disparaissent en fumée. « Le gouvernement de Simovic n'avait rien fait pour mettre ces trésors en lieu sûr » note à ce propos Vladimir Dedijer.
D'autres vagues de bombardiers sont dirigées sur les aérodromes et centres militaires importants. Les villes de Nis, Kragujevac et Sarajevo sont touchées. De leur côté, les Italiens s'attaquent à Cetinje, Kotor, Mostar, Split et Dubrovnik.
L'armée de l'air yougoslave en grande partie détruite au sol est incapable de s'opposer à ce déferlement d'avions ennemis. Dès la première attaque sur Belgrade, le général Simović et le gouvernement se replient sur Ujice puis sur Sarajevo et après le bombardement de cette ville sur le Monténégro où le cabinet s'installe au Palace Hôtel de Vzice. Les liaisons entre l'état-major général et les différentes composantes de l'armée sont complètement désorganisées.
La fuite du gouvernement et l'attitude des responsables militaires sont sévèrement jugées par Dedijer :
« A peine les premières bombes commençaient-elles à tomber (sur Belgrade), que les membres du cabinet, sautant dans leurs autos fuyaient à toute allure la ville en flamme. Le gouvernement ne s'arrêta pas en route pour examiner la situation ou prendre une décision. Le haut commandement lui-même était paralysé : il n'y avait plus de centre d'où coordonner la défense. »
Un peu comme en France au moment de l'offensive éclair des forces allemandes en mai-juin 1940, la Yougoslavie connaît un véritable vent de panique dont les forces d'invasion sauront profiter.
Le 18, l'armée yougoslave était défaite et capitulait. Le régent Paul trouve refuge à Londres.
Le sort de la Yougoslavie fut décidé par la conférence de Vienne au cours de laquelle les différents alliés de l'Axe , Allemagne, Italie, Hongrie et Bulgarie procédèrent au dépeçage de son territoire.
Les bombardements firent 17 000 morts environ, presque exclusivement des civils.
Les pertes allemandes sont insignifiantes.