Salvatore Gentile
L'as américain Salvatore « Don » Gentile remporta treize victoires en une seule mission et totalisa en un mois la moitié de son palmarès aérien, qui s’élève à 21.
Le 19 août 1942, un fait nouveau intervenait dans la gigantesque bataille aérienne qui se déroulait au-dessus de Dieppe dans le cadre de l'opération Jubilée, ce débarquement manqué des Canadiens dont l'échec reste aujourd'hui encore mal expliqué.
En effet, sur les 2 400 sorties de soutiens effectués par le Fighter Command, près de 150 furent le fait de pilotes américains, volant sur les Spitfire MkVb marqués de l'étoile blanche des trois squadrons des Aigles (31éme groupe de chasse).
Don Salvatore Gentile servait dans le Squadron 133, composé uniquement de volontaires comme les deux autres unités américaines. Depuis sa plus tendre enfance, ce fils d'immigrés italiens rêvait de devenir aviateur.
Alors qu'il n'était encore qu'adolescent, il parvint à mettre de côté, sou par sou, les sommes nécessaires pour prendre des leçons de pilotage puis pour s'acheter un avion.
En septembre 1940, déçu par la neutralité des États-Unis, il franchit la frontière canadienne pour aller s'engager dans la Royal Air Force. Son expérience du pilotage et ses brillantes notes lui permirent d'obtenir très vite son brevet, puis de passer rapidement instructeur.
Mais, voulant à tout prix « faire la guerre », Gentile parvint à se faire affecter, au mois de juin 1942, au Squadron 133, le dernier-né des squadrons des Aigles.
C'est le 16 août suivant, dans le ciel de Dieppe, qu'il affronta pour la première fois La Luftwaffe. A la fin de la journée, il revendiquait deux victoires, un Focke Wulf Fw190 et un Junkers Ju88, un beau succès quand on sait que les Alliés perdirent dans la bataille quatre-vingt-sept avions de chasse (dont huit appartenant aux volontaires américains) et que le score du 31éme Fighter Group ne fut que de six victoires pour l'ensemble des trois escadrons.
Transformé sur Spitfire MkIX en septembre, le Squadron 133 perdit, le 26 de ce même mois, onze des douze appareils qu'il avait engagés dans une mission sur le continent. Trois jours plus tard, il était rééquipé de Spitfire V. Rebaptisé Squadron 336 (USAAF 4éme Fighter Group), il devait voler sur cet appareil jusqu'à l'arrivée (en mars 1943) du P47C Thunderbolt, un monstre de 7 t (contre 2,500 t pour le Spitfire) dont la prise en main fut si difficile que le Squadron 336 ne put être considéré comme véritablement opérationnel qu'en décembre 1943.
Dès le 16 de ce mois, Gentile abattait un Ju88 au dessus de la Belgique (il partageait cette victoire avec deux autres pilotes). Désormais au point, le Thunderbolt, dont la version D venait d'arriver en unité, se révélait un chasseur remarquable. Équipé de réservoirs supplémentaires largables, il permettait d'effectuer de profondes incursions en territoire allemand pour escorter les formations de bombardiers B17 et B24 de la 8th Air Force.
En février 1944, le Squadron réceptionna ses premiers P51 Mustang. Gentile s'adjugea une nouvelle victoire dès la première mission de guerre effectuée par le 4éme Fighter Group, le 22 de ce mois. Le 3 mars, il obtenait un nouveau succès, en réalisant un doublé, un Dornier Do17 et un Messerschmitt Bf109G.
Enfin, le 8 mars, il accédait à la célébrité lors du premier grand raid sur Berlin. En compagnie du Lieutenant Godfrey, il parvint en effet à désorganiser l'attaque lancée par vingt-cinq Bf109 contre une formation de Forteresses volantes. Au premier passage, Gentile et Godfrey abattirent deux appareils allemands, puis, se couvrant mutuellement en combat tournoyant, détruisirent huit autres chasseurs ennemis.
Dès lors, le tandem Gentile-Godfrey devint la vedette de la presse alliée. Néanmoins, les deux hommes ne volaient pas systématiquement ensemble, et, au mois de mars, par exemple, alors que Godfrey était en permission aux États-Unis, Gentile ajouta de nouvelles victoires à son palmarès.
Il détruisit en effet : le 18, un Fw190; le 23, deux Bf109; le 27, deux Bf110 au sol, et, le 29, deux Fw190 et un Bf109G, passant ainsi en tête des as de la 8th Air Force.
Les journalistes suivaient son score au jour le jour, le comparant à ceux des autres pilotes, en particulier du Major Duane Beeson, dont le palmarès était le plus proche du sien. Personne n'avait encore atteint le chiffre record des vingt-six victoires remportées par Eddie Rickenbacker, l'as des as américains de la Première Guerre mondiale, mais les deux hommes semblaient en mesure de l'égaler voire de le surpasser : les paris étaient donc ouverts.
Beeson menait d'un point, quand, le 5 avril, au cours d'une attaque contre un aérodrome de la région berlinoise, Gentile détruisit trois Ju88 au sol, alors que son « adversaire », abattu par la Flak, était fait prisonnier.
La distinction entre victoires en vol et victoires au sol n'étant pas encore officiellement reconnue, Gentile fut célébré par la presse comme le premier pilote à avoir battu Rickenbacker, avec vingt-sept victoires. En fait, le fameux Richard Bong avait, à la même date, abattu le même nombre d'avions (tous en vol) avec son P38, mais il combattait dans le Pacifique, aux antipodes !
Le 8 avril, Gentile s'adjugeait ses trois derniers succès, trois Fw190, ce qui portait son score total à vingt et une victoires sûres, huit probables et huit appareils détruits au sol.
Lorsque, son tour d'opérations terminé, l'as américain partit en permission, une fête fut organisée à Debden, la base britannique sur laquelle était stationné le 4éme Fighter Group. Dans l'enthousiasme général, Gentile, à bord de son P51B Shangri, effectua quelques acrobaties peu réglementaires, assorties de passages à très basse altitude.
Mais, ayant touché le sol, son appareil se cassa en arrière du cockpit. Indemne, quoique choqué, le pilote fut interdit de vol sur-le-champ. Ni le retour de Godfrey, ni l'appréciation flatteuse d'Eisenhower, qui le surnommait « One Man Air Force » (Une force aérienne à lui tout seul), ne firent revenir le commandant de la base sur sa décision.
Devenu pilote d'essai à la base de Wright Patterson (Ohio), il quitta l'Air Force en avril 1946... Pour y revenir dès le mois de décembre de l'année suivante.
Passé sur jet, il devait trouver la mort, le 28 janvier 1951, aux commandes d'un Lockheed T33, sur la base d'Andrews. Il avait trente et un ans. Une base de l'US Air Force porte aujourd'hui son nom, à Dayton (Ohio).