Le Junkers Jumo 004

JUNKERS JUMO 004

Le Jumo 004 fut le premier turboréacteur produit en série et utilisé en opérations ainsi que le premier utilisant un compresseur axial. Junkers en produisit 8000 en Allemagne durant la Seconde guerre mondiale pour équiper les avions de combat Messerschmitt Me 262, Horten Ho 229 et Arado Ar 234. Des pays d'Europe de l'Est en produisirent des dérivés.

La faisabilité de la propulsion par réaction a été démontrée en Allemagne dès 1937 par Hans von Ohain ingénieur de la société Heinkel. La plupart des fonctionnaires du RLM (Ministère de l’air) ne s'y intéressèrent pas, à l'exception de Helmut Schelp and Hans Mauch qui encouragea les fabricants de moteurs à se lancer dans le développement de tels moteurs.

jumo-004.jpgSans grand succès, jusqu'à ce qu'en 1939, Otto Mader, directeur de Junkers Motoren (Jumo), cherchant un ingénieur pour son projet choisit sur le conseil de Schelp, Anselm Franz, alors en charge des compresseurs et turbocompresseurs chez Junkers.

Franz commença le développement du projet 109-004 fin 1939.

Franz choisit une approche innovante, le compresseur axial, de préférence au compresseur centrifuge utilisé sur les prototypes de von Ohain, à partir des travaux de l'AVA (Aerodynamische Versuchsanstalt) de Göttingen.

Ce type de compresseur restait efficace tout en réduisant considérablement la section frontale.

Il conçut par contre un moteur plus facile à mettre au point et à fabriquer quitte à rester en-dessous du rendement théorique. Notamment il opta pour une chambre de combustion à six injecteurs plutôt qu'annulaire.

Il impliqua fortement la compagnie AEG de Berlin et fit le pari de construire directement le premier prototype en taille réelle. La meilleure réponse aux nombreuses critiques sur ces choix fut l'entrée en production du 004 bien avant son concurrent, le BMW 003.

Le premier prototype 004A, construit pour fonctionner au gazole, débuta ses test en octobre 1940, sans tuyère d'éjection. Dès janvier 1941 il délivrait une poussée de 430 kg; les travaux continuèrent pour satisfaire le cahier des charges du RLM qui exigeait 600 kg.

Des problèmes de vibration des aubes du compresseur retardèrent le développement et furent résolus par un nouveau stator conçu par Max Bentele qui utilisa des aubes en acier. Avec ce nouveau stator, le moteur put atteindre 5,9 kN en août 1941, et réussit un test d'endurance de 10 heures à la poussée de 9,8 kN en décembre. Le premier essai en vol eu lieu le 15 mars 1942, avec un 004A fixé au-dessus du fuselage d'un Messerschmitt BF 110.

Dès le 18 juillet suivant, un prototype du Messerschmitt Me262 vola avec ses 2 moteurs 004; le RLM commanda alors une première série de 80 moteurs.

Les premiers moteurs 004A avait été mis au point sans regarder le coût ou la rareté des métaux utilisés, tels le nickel, le cobalt et le molybdène, qui s'avérèrent inutilisables en de telles quantités pour la fabrication en grande série.

Franz dut donc réétudier toute la partie chaude à base d'acier standard protégé par un revêtement d'Aluminium? et utilisa pour les aubes creuses de l'acier Cromadur (contenant 12% chrome et 18% manganèse) mis au point par Krupp, qui étaient refroidies par l'air sous pression venant du compresseur. Lé durée de vie du moteur fut réduite mais sa fabrication facilitée.

Le premier modèle 004B de production pesait 100 kg de moins que le 004A et, en 1943, dépassa les 100 heures de fonctionnement sur le banc de test dont 50 heures avant maintenance.

De nouveaux problèmes de vibration apparurent qui furent résolus fin 1942 grâce à Max Bentele en jouant sur la fréquence de résonance des aubes et en réduisant le régime moteur à 8 700 t/pm. De ce fait ce n'est que début 1944 que la fabrication en grande série démarra ce qui retarda d'autant la mise en service du Me 262.

Du fait de la qualité inférieure d'acier utilisée dans le 004B, la durée de vie en opérations était faible, 10  heures voire 25 avec des pilotes expérimentés. Les pilotes acceptaient mal la réponse lente à l'accélération (par rapport au moteur à piston) et avait tendance à vouloir accélérer trop fort d'où risque de surchauffe de la turbine.

Malgré ces inconvénients le premier groupe d'avions à réaction était en opération en avril 1944.

Le démarrage du turboréacteur était assuré par un moteur de motocyclette 2-temps Riedel de 10 ch (7 kW) intégré dans l'entrée d'air. Celui-ci était démarré comme une tondeuse à gazon, à la ficelle!

Le 004 pouvait utiliser trois types de carburant:

LE J-2, son carburant standard, une essence synthétique obtenue par distillation de la houille, le gazole ou du kérosène; indisponible en quantité à l'époque.

Après la Seconde Guerre mondiale, des petites quantités de Jumo 004s furent construites par Malešice en Tchécoslovaquie, sous le nom M-04, pour propulser l'Avia S-92, une copie du Me 262. L'Union soviétique le fabriqua sous la dénomination RD-10, qui équipait le Yakovlev Yak-15 ainsi que de nombreux prototypes.

La France utilisa des Jumo-004 pour propulser les SNCASO SO-6000 Triton et Arsenal VG 70.

En plus de son utilisation en série sur les Me 262 and Arado Ar 234, le 004 fut utilisé pour les prototypes Junkers Ju 287, Horten Ho 229 et Heinkel He 280.

Plusieurs variantes étaient en développement à la fin de la guerre: le type 004C ajoutait un dispositif de postcombustion mais ne fut pas construit. Le type004D diminuait la consommation grâce à des injecteurs à double étage et incorporait un contrôle des gaz évitant de noyer le réacteur en forte accélération.

Le 004D était prêt à entrer en production quand la guerre se termina. Un autre développement était en cours, le 004E où la partie éjection était redessinée pour un meilleur fonctionnement en altitude.

Une version à double corps, le type Jumo 012 était aussi à l'étude qui devait apporter un rendement nettement amélioré (15%).