Allison V-1710
Le Allison V-1710 est un moteur d'aviation, le seul de conception américaine à posséder une configuration en V et un refroidissement par liquide pendant la période de la Seconde Guerre mondiale.
Du fait de la préférence, avant guerre aux États-Unis, pour les configurations en étoile et les turbocompresseurs, il ne réussit jamais à atteindre les performances et la fiabilité des moteurs étrangers, et l'industrie américaine dut finalement recourir à la production sous licence du moteur britannique Rolls Royce Merlin pour équiper ses avions de chasse pour le combat à haute altitude.
L'Allison équipa néanmoins de très nombreux avions comme le Lockheed P-38 Lightning, le Bell P-39 Airacobra et le Curtiss P-40 Warhawk et connu une production très importante avec 70033 exemplaires réalisés du 13 août 1931 au 2 juin 1948 à l'usine d’Indianapolis. Après la guerre, il connut aussi une carrière comme moteur de course, en particulier d'hydroptères.
Fondée par James A. Allison en 1915 pour construire des moteurs et des automobiles à Indianapolis à coté du circuit automobile qu'il avait aussi créé, la compagnie Allison ne tarda pas à se faire connaître dans le domaine aéronautique. À la demande d'Allison, Norman Gilman, entré dans la société en 1917 comme directeur technique, participe en effet, à la demande d'Allison, à la conception du moteur Liberty de 400 chevaux.
En 1927 Gilman pose des brevets sur une amélioration du moteur ce qui lui permet de constituer des fonds en vue d'études ultérieures. Après la mort de James Allison en 1928 et le rachat de la compagnie par General Motors en 1929, Norman Gilman est nommé président, fonction qu'il cumule avec celle de directeur technique.
Il décide aussi l'étude, sur ses fonds privés, d'un nouveau moteur à refroidissement liquide de 1000 chevaux pour remplir les futurs besoins de l'US Army et de l'US Navy.
L'accent est mis surtout sur la possibilité d'utiliser la base du moteur pour divers usages et la conception, le système de réduction et le compresseur furent pensés pour être facilement échangés. Le prototype V-1710-A de 1,010 lbs effectua un premier essai sur banc en 1931 délivrant 650 chevaux à 2400 tours par minutes.
Le compresseur avec une multiplication de 7,3 par rapport à l'arbre à cames fut alors passé à une multiplication de 8,0 et en 1932, le moteur réussit un test de cinquante heures au cours duquel il fournit 750 chevaux, toujours à 2400 tours par minutes.
L'US Navy, bien qu'elle préfère les moteurs radiaux pour ses avions, manifesta alors son intérêt pour le V-1710 dans le but d'équiper ses dirigeables. Elle supervisa la mise au point d'une version dépourvue de compresseur mais équipée de deux carburateurs entre les deux lignes de cylindres.
Ce moteur était aussi équipé d'un système d'inversion d'hélice lui permettant de passer de la pleine puissance dans un sens à la même puissance dans le sens opposé en moins de huit secondes. Ce moteur, le V-1710-B, était prévu pour équiper les dirigeables USS Akron et USS Macon.
Le programme est cependant annulé suite à la perte des aéronefs. La situation économique, suite à la grande dépression, freine le développement si bien que le premier moteur ne fut testé en vol que le 14 décembre 1936 sur un Consolidated A-11A.
En 1933, Norman Gilman embauche Ronald Hazen qui avait travaillé chez Fairchild à la conception du moteur Ranger.
En mars 1936, celui-ci devient directeur technique. Sous son impulsion, le V-1710 est entièrement repensé. Le dessin des chambres et des pistons fut amélioré, ainsi que les soupapes pour améliorer le mélange de l'air et du carburant, le diamètre de la turbine du compresseur augmenté de 8,25 à 9,5 pouces et le rapport d'entraînement de l'hélice est augmenté à 2 au lieu de 0,66, le taux de compression dans les cylindres passe à 6.
Le moteur passe le test réglementaire de 150 heures de l'Army. Le 23 avril 1937, au cours de l'essai, il fournit 1000 chevaux, étant le premier moteur à atteindre cette puissance. Par la suite on put atteindre 6,65 et des vitesses de rotation de 3500 tours par minute, sur la base ainsi créée.
Le nouveau moteur est proposé aux divers avionneurs américains et rencontre un grand succès puisqu'il équipe la majorité des avions engagés dans l'US Army Pursuit Contest. Le XP-37, le Lockheed XP-38 et le Bell XP-39 avec des V-1710 turbocompressés et le XP-40 avec un simple compresseur mécanique. L'US Army, à la fin des années trente, a misé fortement sur la suralimentation par turbocompresseur, qu'elle pensait devoir dépasser les solutions par suralimentation mécanique dans un proche avenir.
Ce fut un mauvais choix car la pénurie de matériaux comme le tungstène, nécessaires aux alliages résistants à haute température, et les difficultés de mise au point empêchent la fabrication en masse de turbocompresseurs, qui sont alors réservés aux bombardiers, jugés prioritaires. Les avions de chasse doté du V-1710 furent donc dotés de compresseurs mécaniques mais ceux-ci souffrait d'un grand retard par rapport à leur équivalents européens et les performances en altitude en souffrirent.
Ce n'est que vers la fin de la guerre que le moteur Allison bénéficia de compresseurs plus sophistiqués à deux étages et plusieurs vitesses mais ceux-ci se révélèrent peu fiables et le V-1710 souffrit toujours de performances défaillantes en altitude.
Par contre, très tôt dans la guerre, Allison autorisa l'utilisation du moteur en régime d'urgence, le moteur fournissant alors 1600 chevaux au lieu des 1150 prévus. Cependant le moteur devait alors être démonté et inspecté avant toute réutilisation. La durée de vie du moteur augmenta au cours du conflit de 300 à près de 1000 heures et le moteur bénéficia toujours d'une bonne puissance massique avec plus de 1,6 kW par kilogramme.
Le P-39 et le P-40 furent ensuite réalisés à de nombreux exemplaires et absorbèrent alors une grande partie de la production d'Allison. Seul le P-38, produit en plus petites quantités, conserve ses turbocompresseurs, ce qui en fit un chasseur remarquable en altitude.
Le V12 équipa aussi les premières série du North American P51 Mustang et de nombreux prototypes comme les Republic XP47A, Curtiss XP-55 Ascender, Boeing XB-38, and Douglas XB42 Mixmaster. Pendant la guerre, le prix de revient du moteur chuta de 25 000 à 8 000 dollars. Après guerre, l'Allison fut choisi pour équiper les 250 P-82E/F/G.
Le V-1710 servit aussi dans beaucoup de courses aériennes, nautiques et automobiles, certains exemplaires optimisés arrivant à fournir près de 4000 chevaux. Les V-1710-G6 furent, entre autre, utilisé sur des hydroptères des compétitions Unlimited hydroplane racing pendant lesquels ils bâtirent de nombreux records du monde de vitesse sur l'eau. Pendant les années 1990, des V-1710 furent utilisés pour équiper des répliques de chasseurs de la Seconde Guerre mondiale comme les Yak-3UM et des reconstructions.
L'Allison V-1710 est un moteur V12 à refroidissement liquide de conception très classique. Les deux groupes monoblocs de six cylindres sont boulonnés avec un angle de 60 degrés sur le bloc contenant le vilebrequin. Ce dernier est constitué de parties en aluminium moulé qui se séparent au niveau de l'horizontale. Les deux blocs de six cylindres sont eux aussi en deux parties en aluminium moulé, un ensemble de corps et ensemble de têtes qui emprisonnent les chemises des cylindres en acier durci.
À l'intérieur les pistons forgés en aluminium poussent sur des bielles en acier qui entraînent elles même le vilebrequin.
Celui-ci possède un couplage à chacune de ses extrémités, sur lesquelles viennent se fixer à l'avant un ensemble d'engrenage de réduction entrainant l'hélice et à l'arrière un dispositif d'atténuation des vibrations dynamique et hydraulique, qui entraîne les accessoires situés sur l'arrière du moteur. Il peut aussi être monté dans les deux sens, ce qui permet d'inverser facilement le sens de rotation du moteur.
Chaque tête de cylindre possède deux lumières d'admission à l'intérieur du V et deux d'échappement vers l'extérieur percées à 22,5° par rapport à l'axe du cylindre et fermées par des soupapes en alliage nichrome (65% nickel, 20% fer et 15% chrome) traitées en surface avec de la stellite (un alliage à base cobalt) avec une chambre interne contenant du sodium pour améliorer l'évacuation de la chaleur.
Les soupapes sont commandées par un arbre à came unique par groupe de cylindre, qui entraîne lui même un bras basculant pour chaque cylindre, agissant directement sur les queues de soupape. L'alimentation en mélange est assurée par une pompe d'injection Bendix Stromberg SD400B3 qui prend en compte la densité du mélange et la vitesse de rotation du moteur.