Le Raid de Doolittle

Le raid de Doolittle est le premier bombardement du Japon par les forces armées des États-Unis durant les campagnes du Pacifique

Il fut effectué par des B-25 Mitchell de l'USAAF décollant de porte-avions de l'US Navy, le 18 avril 1942.

Les Motivations

Les Japonais se croient à l'abri des bombardiers américains, qui n'ont pas un rayon d'action suffisant pour mener un raid. En effet, l'océan Pacifique est très vaste, et les Américains n'ont aucune base assez proche du Japon pour mener une mission de bombardement.

Cependant, les Américains souhaitent marquer les esprits et motiver l'effort de guerre. Depuis l'attaque sur Pearl Harbor, les mauvaises nouvelles s'accumulent et le moral des Américains est au plus bas. Les militaires désirent mener pour ces raisons un bombardement symbolique du Japon.

Le lieutenant-colonel (et futur général) James H. Doolittle est chargé de monter cette opération exceptionnelle qui doit contredire les affirmations du haut commandement japonais qui disait que l'archipel resterait invulnérable.

L'idée était de faire décoller des bombardiers du porte-avions USS Hornet pour qu'ils bombardent le Japon et se posent en Chine. Le choix des cibles était délicat, il fallait éviter de répéter l'erreur des Allemands qui avaient attaqué Buckingham Palace et avaient renforcé la détermination des Britanniques.

De ce fait, il fut décidé d'épargner le palais impérial et de se concentrer sur des cibles militaires ou industrielles.

Les Préparatifs

Doolittle fut chargé de trouver des avions capable de décoller sur une courte distance et d'emporter une tonne de bombes. Il apprendra rapidement que les bombardiers devaient partir d'un porte-avions. Doolittle avait le choix entre plusieurs modèles d'appareils mais aucun n'était vraiment adapté. Il se tourna vers celui qui semblait le plus approprié pour cette mission : le bombardier moyen B-25.

La distance nécessaire au décollage était normalement de 700 mètres et ne correspondait en rien à celle d'un avion embarqué. Doolittle et son équipe se mirent au travail et cherchèrent des solutions pour alléger les appareils et décoller sur une distance aussi courte que celle d'un pont de porte-avions (150 mètres).

Il fut décidé d'éliminer un maximum d'armements inutiles. Les avions devaient voler en rase-mottes et la tourelle sous l'appareil ne servait pas à grand chose. Les mitrailleuses arrière furent remplacées par des manches à balai dans l'espoir qu'un avion japonais ne reste pas dans le sillage du bombardier en cas d'attaque.

Après de nombreux essais sur la terre ferme à Norfolk en Virginie, et après avoir ajouté des réservoirs supplémentaires, l'opération sembla possible.

Le Hornet quitta son port d'attache le 2 avril, non sans avoir attiré l'attention du public présent sur les quais. Les porte-avions transportaient normalement des chasseurs et non des appareils lourds comme les B-25. Les rumeurs les plus folles alimentèrent le mystère autour de cette mission et pour couper court, il fut décidé de lancer une fausse histoire stipulant que les bombardiers devaient être déployés à Hawaii (bien qu'un B-25 fût capable de rallier Hawaï par ses propres moyens).

Après un rendez-vous en mer avec l'Enterprise (chargé de la sécurité du Hornet grâce à ses avions de chasse embarqués), les deux porte-avions se rendirent, avec une escorte de quatorze navires, au point choisi pour le décollage. L'escadre devait s'approcher le plus possible des côtes japonaises.

Départ de la mission

La mission devait partir lorsque le navire serait à une distance de 700 kilomètres. Au matin du 18 avril 1942, l'escadre fut repérée par quelques chalutiers japonais peu armés mais dotés d'antennes puissantes.

La consigne était de lancer la mission si une rencontre, même anodine, avec l'ennemi devait avoir lieu. Les chalutiers furent coulés et l'ordre fut donné de démarrer la mission d'urgence.

Le porte-avions était encore à une demi-journée du point normalement prévu. Pendant plus de 60 minutes, les 16 bombardiers décollèrent un par un de l'USS Hornet, l'avion de Doolittle lui-même fut le premier à s'élancer.

Il fut rejoint peu après le décollage par le second appareil. Pour compenser les 300 kilomètres supplémentaires à parcourir, les équipages avaient embarqués une centaine de litres de carburant à verser dans les réservoirs durant le voyage. Les avions n'eurent pas de problèmes pour décoller du navire.

Les bombardiers rencontrèrent une faible résistance mis à part quelques chasseurs ennemis qui furent rapidement semés. Doolittle dira par la suite que la population japonaise au sol faisait des signes : ils confondaient l'étoile américaine (étoile blanche avec un centre rouge) avec le drapeau impérial et ne pensaient pas que des avions ennemis pouvaient survoler leur territoire.

Bombardement

Chaque avion embarquait avec lui des bombes soufflantes ou incendiaires selon la cible. Les B-25 opéraient solitairement et ne devaient pas s'occuper des autres appareils du raid. L'avion de Doolittle arriva le premier sur Tokyo et il largua ses 1000 kg de bombes sur des objectifs militaires. Il essuya quelques tirs de DCA qui selon Doolittle "étaient fort peu impressionnants par rapport aux tirs de la DCA allemande durant les opérations en Europe".Doolittle s'éloigna des côtes pour éviter d'être repéré (on ignorait à l'époque si le Japon disposait de radars) et son avion prit la direction de la Chine. Les autres appareils firent de même à l'exception d'un B-25 qui se dirigea vers l'Union soviétique.

Contrairement à la légende, le raid ne dura pas 30 secondes au dessus de Tokyo. À l'époque, Tokyo s'étendait sur une distance de plus de 33 kilomètres. Un B-25 la parcourait à la vitesse de 350 km/h soit environ 6 minutes de vol.

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En direction de la Chine

L'avion commençant à être à court de carburant, les dernières réserves furent versées dans les réservoirs. La côte chinoise s'approchait mais les appareils devaient contourner toute la partie occupée par les Japonais. Ils devaient normalement atterrir dans une étroite vallée surveillée par l'armée chinoise. Un appareil, qui envoyait un signal radio, devait normalement indiquer la position de la piste mais, les participants du raid ne devaient l'apprendre que plus tard, l'avion qui transportait ce matériel s'était écrasé avant la mission. Les pilotes durent ainsi repérer de visu un endroit favorable pour l'atterrissage. Avec la nuit qui tombait, un temps exécrable et un terrain vallonné, Doolittle ordonna à son équipage de sauter de l'appareil. Le B-25 s'écrasa un peu plus loin contre une colline.

À ce moment, Doolittle était convaincu que la mission était un fiasco avec la perte de tous les appareils, que tous les hommes étaient morts ou capturés et que les bombes n'avaient eu aucun effet. Après s'être regroupé, l'équipage de Doolittle rallia un poste de garde chinois et regagna par la suite les États-Unis.

Tous les pilotes n'eurent pas la même chance. Un avion se trompa de cap et se dirigea vers l'Union soviétique près de Vladivostok. L'équipage fut interné pendant 13 mois. Un bombardier ne parvint pas à atteindre la zone libre en Chine et son équipage fut capturé par les japonais : sur les huit hommes, trois furent exécutés six mois plus tard, un autre mourut de malnutrition et les quatre autres restèrent prisonniers jusqu'à la fin de la guerre. Un autre avion s'écrasa en mer près de la côte et les survivants se noyèrent ou furent abattus sur la plage.

Conséquences

Ce premier raid américain sur l'archipel fit très peu de dégâts mais il avait frappé un symbole, Tōkyō. L'attaque avait été une surprise à l'instar de Pearl Harbor.

En guise de représailles et pour des raisons stratégiques, le Service aérien de la marine impériale japonaise s'attaqua dans les semaines qui suivirent aux porte-avions américains en priorité. De son côté, l'armée impériale japonaise, menée par le général Shunroku Hata, occupa aussi massivement la Chine pour éviter que ce pays ne serve de repli aux bombardiers, massacrant à l'été 1942 environ 250 000 civils des provinces du Zhejiang et du Jiangxi.

En contrepartie, l'opération fut un succès pour la propagande américaine et l'effort de guerre. Elle montrait que le Japon n'était plus à l'abri des bombes. Une autre conséquence fut l'affectation d'une partie des chasseurs japonais à la défense du territoire ce qui permit de limiter le nombre d'avions sur le front du Pacifique. Les belligérants se retrouvèrent alors dans un face à face décisif lors de la bataille de Midway avec une aviation japonaise plus réduite.

Doolittle ne fut jamais entièrement satisfait de cette mission qu'il considéra comme une demi-réussite, même si elle avait eu un impact décisif sur la suite de la guerre.