L'opération Bondeplatte

Dans le cadre de la bataille des Ardennes, l'opération Bodenplatte fut une opération de la Luftwaffe visant à acquérir la supériorité aérienne au dessus du champ de bataille pour soulager les troupes engagées dans la contre-attaque allemande et permettre leur soutien.

Mettant en œuvre près de 900 avions allemands (chasseurs et chasseurs bombardiers), son objectif était les avions alliés basés dans une zone comprenant le nord est de la France, l'est de la Belgique et le sud des Pays-Bas.

Lors du lancement de la bataille des Ardennes, le temps couvert ne permit pas à l’aviation des deux camps d’effectuer des missions en nombre, à de rares exceptions près.

Cependant, il était évident que, une fois le beau temps revenu, la Royal Air Force et l’USAAF reprendraient leurs sorties, constituant alors une grave menace pour la contre-offensive des troupes allemandes. le commandement allemand en était conscient, une opération fut alors montée dans le but de désorganiser et d’affaiblir pour quelques semaines les Alliés.

Mais pendant près d’un mois, les conditions ne permirent pas sa mise en œuvre, faisant croire à son annulation. Cependant, en cette toute fin d'année, les conditions s’améliorèrent et la mission fut finalement confirmée et prévue pour le 1er janvier, les Allemands tablant sur « l’esprit de fête » des Alliés, lesquels devaient « baisser leur garde »

Le plan était simple : de nombreux chasseurs et chasseurs bombardiers devaient décoller et attaquer au petit matin en rase-motte différentes bases entre Liège et Bruxelles.

Dans le même temps, une mission de diversion eut lieu, au cours de laquelle quelques avions à réaction AR 234 bombardèrent Bruxelles, Anvers et Rotterdam.

La force principale était composée de Messerschmitt Bf 109 et de Focke-Wulf Fw 190. Certains de ceux-ci, appartenant au IV/JG 3 faisaient partie d’un Strumgruppe, groupe équipé d’avions mieux armés et blindés (donc peu maniables) sensés abattre des forteresses volantes.

La mission des AR234 se déroula sans encombre, bien qu’elle ne fit pas diversion et chaque avion revint sain et sauf à sa base. A 5 heures, ce fut au tour de la force principale d’entrer en action. Les 900 chasseurs se dirigèrent vers une dizaine de bases alliées. Leurs résultats furent eux plus mitigés.

Si l’opération connut un franc succès sur certains objectifs, elle fut à d’autres endroits un sanglant échec pour l’agresseur.

Par exemple la JG 3 avec 72 avions mena une mission sur l’aérodrome d’Eindhoven surprenant au sol les Hawker Typhoon des escadrons canadiens 438 et 439.

Agissant méthodiquement, les Allemands détruisirent en règle l’ensemble du parc de ces deux escadrons.

Il en fut de même sur les bases de Melsbroek, Saint Denis-Westrem et Maldegem. Par contre les attaques menées contre Volkel, Anvers-Deurne et Le Culot furent très confuses et se révélèrent des échecs.

Dans cette opération, les Alliés perdirent 144 avions et en eurent 62 fortement endommagés et bon pour la ferraille (sans compter 190 autres touchés à des degrés divers).

De son coté, la Luftwaffe perdit plus de 300 avions (chiffre exact inconnu) et 237 pilotes furent tués ou disparurent, dont 3 commandants de Geschwadern, 6 de Gruppen et 11 de Staffeln.

Ces hommes étaient irremplaçables, formant l’élite de l’aviation allemande lors de ce dernier sursaut. L’Allemagne ne s’en remit jamais et ne lança plus jamais de mission aussi ambitieuse. Ces pertes s’expliquent de plusieurs manières :

  • Mauvaise préparation : d’abord reportée, l’opération fut lancée sur un coup de tête sans préparation, presque en totale improvisation ;
  • Matériel inadapté : les avions utilisés étaient tous des chasseurs, et leurs pilotes formés à leur usage comme tel. Même si des chasseurs furent souvent utilisés en appui des troupes, ils n’étaient pas conçus dans ce but, et se révélèrent souvent inadéquats dans ce genre d’opération ;
  • Inexpérience des pilotes : à cette période de la guerre, la Luftwaffe se mourait : les nouveaux pilotes étaient insuffisamment formés tandis que le noyau des anciens se réduisait de jour en jour, écrasé par la supériorité alliée. Et en ce jour, 20 commandants expérimentés disparurent et ne furent jamais remplacés. Les Alliés ne perdirent presque pas de pilotes.

Si les pertes alliées furent comblées en l’espace de deux semaines, celles des Allemands ne le furent jamais. Bodenplatte, dernier sursaut d’ampleur d’une Luftwaffe à l’agonie, fut à ce titre la pire des calamités connues par cette aviation, ayant vécu son heure de gloire.